En avoir sous la pédale
(extrait Puzzle-série 2)
Ainsi, sans tomber dans l’autofiction — genre littéraire qui vise à décharger, plus ou moins soigneusement, son ballot de linge sale devant un public médusé dont les orbites tournent à la vitesse d’un tambour de machine à laver — je viens vous conter une petite aventure à bicyclette… quand on partait sur les chemins… vous connaissez la chanson, me semble-t-il !
Ô que j’eusse aimé intituler cette histoire « Une chambre à air à Soi » en référence aux Pneumatiques (ces philosophes ayant du souffle pour réveiller les braises de l’Esprit) ou bien « Pédale glousse » d’un dindon dans la farce de l’âge ! Cependant, j’ai choisi un titre encore plus accrocheur, afin d’entraîner mon unique lecteur — en effet, il est seul dans le désert, depuis trop longtemps, et il rame au milieu d’une dune lunatique, à la recherche de l’oasis perdue et de l’arche de Patience — dans mon tourbillon absurde !
L’anecdote cycliste se déroule, par un après-midi de février, sous les rayons généreux de Phoebus, au milieu d’une nature béarnaise sauvage, sur une ancienne voie ferrée réhabilitée en corridor bitumé pour nourrir les élans de pèlerins rêveurs, de marcheurs songeurs et de vététistes endimanchés…
Alors que j’erre sur le chemin du retour vers mon cosmique logis — à la vitesse folle d’Hercule ayant le vent en poupe et l’hydre de Lerne au train —, après une manœuvre périlleuse d’enfant frondeur, j’observe ma pédale qui décide de s’encanailler, prompte à goûter au vert chardon d’un bas-côté ! Même si elle a de petites dents de piranhas qui collent aux baskets, je ne l’imagine pas en mouton paissant l’herbe haute.
Avec ma casquette orange (en hommage au bonnet de mon camarade de « Ma Vie en Van » qui arpente le Canada pour cueillir de belles images) vissée sur le crâne, criant des SOS qui permettraient à tout labrador aguerri de me localiser, après le passage d’une avalanche sur ces terres bucoliques qui ne verront jamais débarquer une armée de flocons de neige poétique !
Effectivement, avec une manivelle, il est bien moins facile de piloter un deux-roues ! Me voici donc dans l’obligation de remonter la pédale ; pourtant, malgré mes tentatives musclées, je n’y parviens pas ! Alors, dans ma tête de cabochard, une petite voix flûtée m’invite à solliciter l’aide de mon prochain… Têtu comme une bourrique à ressorts quantiques, je pousse mon fidèle destrier vers un banc, afin qu’il soit plus aisé de le soigner. J’ai tout l’air d’un pauvre Don Quichotte de la Mancha, con comme un manche, battant des ailes tel un moulin à café qui fait des vents !
Soudain, Ô Miracle, juste derrière moi, un couple de viticulteurs travaillent au milieu des sarments ! D’une voix aimable, je lance un appel de détresse et une charmante dame entend alors ces cris de Martien en cale sèche. Maladroitement, je lui explique qu’il me faut une pince, puis une clef de 14 ; son compagnon me rassure en me disant que tout va s’arranger !
Je vous dispense de tous les détails burlesques inhérents à cette fable… Au-dessus de son grillage, elle me tend la clef de 14 que je lui ai réclamée ; ce n’est pas la bonne ! Je surenchéris avec une 15 qu’elle n’a pas ; alors, elle m’en donne une de 17 ; et, par l’opération du Saint-Esprit des Vététistes Amateurs — avec la SEVA, tout VA, tout roule ! Je réussis donc à resserrer ma pédale, comme un sourd, en craignant qu’elle ne se fasse la malle avant l’arrivée à mon camp de base.
Après moult remerciements d’usage faits à mes deux bons samaritains vinicoles au service de Bacchus, le rouge aux joues, je poursuis ma course folle en analysant tous ces signes secrets sur ma voie d’évolution….
Après cet épisode, au cours d’un rêve symbolique, un trousseau de clefs m’est apparu ! Décidément, des portes seraient à ouvrir, avec ou sans vélo, afin de filer vers le haut, de percer les cieux, sans oublier ce sage proverbe indien des Abruzzes : que va piano va sano !
Stéphane, 28.02.2021
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Maryvonne Jolivet (dimanche, 28 février 2021 19:52)
Excellent cette histoire de vélos elle allège mes meninges.Grand merci.
Stéphane M. (dimanche, 28 février 2021 20:22)
Merci, chère Maryvonne, pour ces impressions qui donnent de l'air pur à l'Anachronique et ses cuisses de grenouille légères ! Avec Cœur, Stéphane
Florence Tavidian (lundi, 01 mars 2021 17:51)
Une histoire qui redonnerait le sourire au pire des édentés ! Merci d'avoir partagé cette drôle d'aventure
Stéphane M. (lundi, 01 mars 2021 18:26)
Merci pour ton bon mot, chère Florence ! Heureux que l'Anachronique donne le sourire, c'est qu'il ne perd pas trop les pédales ! Avec Gratitude et Cœur, Stéphane