Sous le dôme
(extrait Puzzle-série 2)
Puisqu’il faut reprendre le long fleuve tranquille de ma vie burlesque, je me jette à l’eau ah ! avec ces vahinés qui me saucissonnent à l'aide de leurs colliers floraux — tandis que la mer monte et que mes méduses, en plastique biodégradable, se plantent dans la gueule béante des coraux — et je plonge dans mon cortex spongieux pour y remonter, en apnée absurde, une vieille anecdote de derrière les fagots.
Ainsi, il n’y a pas que les marins qui font leurs courses en solitaire… ce moment d’abandon mystique frappe aussi le quidam, après le passage héroïque du cap pop cornes d’une des caisses — écueils du citadin désorienté —, armées d’un tapis roulant allant plus vite que votre ombre, vous laissant tout juste une poignée de secondes pour y poser vos petits achats de célibataire endurci par les vents du large, en tête ébouriffée d’une gondole à Venise, rompu aux chants hypnotiques des sirènes du consumérisme, car le temps du profit maximum profile son museau de murène prête à vous bouffer tout cru, qui l’eût cru, avec des poils aux œufs, Saint Lustucru !
Après cette traversée chaotique, devant un mur de plexiglas — où coulent les lamentations prophétiques d’un peuple aux abois, les larmes de crocodile de psychopathes sachant naviguer sur le Léthé du Marché — sous les yeux fiévreux, bête marque d’un déluge annoncé, d’une hôtesse — masquée jusqu’aux racines de la peur, ayant été vaincue par la fureur de vivre, ayant perdu le goût de la liberté, les saveurs de l’Être — surgit l’épreuve du Feu, la confrontation avec l’énigme du Sphinx représenté par une double porte automatique qui est sensée s’ouvrir, grâce à un œil cyclopéen, en présence d’un bipède désirant respirer les odeurs musquées du dehors : les fragrances sucrées des pots d’échappement de la mégalopole, les exotiques phéromones de la bouse sur l’herbe grasse de nos champs bucoliques iodés par l’haleine fraîche de filaments acides tombés d’un épandage aérien à la jouissante toxicité !
Mais, par une étrange opération des
forces astrales, ce vortex reste de marbre, son antique mécanisme d’éructation du consommateur, aux bras chargés d’achats inutiles, ne ramène pas sa fraise, sa bouche aussi close que celle d’un
ventriloque amateur d’eau gazéifiée. L’individu a beau avancer, puis reculer, puis avancer… durant des secondes au parfum d’éternité, il demeure seul au pied de sa destinée, avec l’espoir candide
de la venue d’un humain, à l’extérieur du temple, qui serait le grain de sable, afin que le système retrouvât un semblant de dignité cosmique !
Ainsi, l’instant d’une plongée dans les abysses d’un mental haut, ce tartempion — au nez collé contre la baie vitrée tels une raie manta océanique, un plécostomus affamé d’algues sur la paroi d’un aquarium, un personnage de la série « Under the Dome » qui aurait raté son entrée des artistes — imagine déjà que c’est un piège s’étant refermé sur lui — ignominieux duel d’Intervrilles ou monstrueuse torture du Fort Bagnard —, afin de le retenir prisonnier des enfers mercantiles aux mains d’un vigile bodybuildé en quête d’un profil de larron inexpérimenté qu’il pourrait coffrait avec toute l’agilité martiale d’une patineuse russe sur une piste de yogourt bulgare…
Soudain, dans le maelstrom salin de ces pensées invasives — dictées par des entités prédatrices aux subtiles incisives de piranhas nageant dans les milieux aqueux — les portes temporelles s’ouvrent, comme par miracle, sur un air pur et un ciel radieux, devant un souriant éden biblique qui pousse le nouvel Homme à se rouler sur le bitume ouaté — colchique dans les verts prés d’une dissidence en Conscience embrassant, sans complexe d’infériorité ou de supériorité, toutes les polarités de la Création jusqu’à la sublime Intégration !
Stéphane, le 23.05.2021
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