Langue de Foehn

 

Langue de foehn

 

                  (extrait "ALCIOR" - fragments étranges)                                         

 

Au sein d’un exode marin, les yeux, à la proue du poème, prirent le large, se servant de la vitesse ailée d’un goéland, de passage entre le monde des airs enchantés et celui de l’eau de vie, glissant vers un absolu en Soi…

 

Dans le vide, chaque coup de rame avait la saveur d’une reine salée prête à s’abandonner à la mâture, à l’humeur corrodée du bastingage, aux errances acides d’une voile virant de bord…

 

Une odeur de vieux teck coulait sur le pont — sueur sur le front d’une bouée murmurant sa détresse au pied d’un phare qui rayonnait de sérénité devant le galop monochrome de chevalines vagues ciselant l’écrin d’une mystérieuse Atlantide…

 

Ainsi, les pieds des marins aguerris ressentaient les migrations de la coque vrillant avec les nues fantômes — ô chant d’une nef qui tentait de s’extraire des eaux endiablées, l’air dénudé, en proie à la fureur sanguine qui cognait aux tempes du capitaine pris par la peur de l’impuissance — et l’ire carnée des courants…

 

À l’horizon, bondissait un dauphin empereur… Sa silhouette bleue essaimait sa joie existentielle et le pourpre de son feu solidaire venait embrasser le noir d’ébène d’ithyphalliques falaises, à l’ombre stoïque, sous le métal hurlant d’un soleil de plomb sur le point de cueillir l’or de buissons ardents — fières rocheuses fleurissant la langue de foehn* d’un chinook** imaginaire…

 

Stéphane, le 24.07.2021

 

*Vent chaud et sec des Alpes suisses et autrichiennes.

** Vent chaud et sec des montagnes Rocheuses.